Aller au contenu principal

Interview : Marine Gandy

En décembre 2021, j’ai discuté avec Marine. Elle avait alors donné trois conférences sur les années passées et a bien voulu répondre à mes questions. Voici les notes, dans un style très oral, que j’ai pris pendant cette discussion.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis développeuse PHP issue d’une reconversion.
À la base, j’ai un BAC littéraire et une licence d’anglais.
Après, j’ai eu un DUT MMI (Métiers du Multimédia et de l’Internet) — c’est le nouveau nom du DUT SRC (Services Réseau Communication) que les gens connaissent un peu mieux en général. C’est un DUT assez généraliste, où tu fais 1/3 de code et réseau, 1/3 plutôt multimédia, montage vidéo, arts plastiques, graphiques, mise en page, etc. Et 1/3 comm’, un peu de droit, un peu de marketing. Donc, c’est très généraliste, ça vise plutôt un public qui sort du BAC et qui veut après se spécialiser en licence pro puis en master éventuellement.
J’ai fait ça à 26 ans et je n’avais pas vraiment le temps de repartir sur un parcours LMD classique, donc j’ai fait ma deuxième année en alternance. C’est ça qui m’a permis de devenir vraiment dev en si peu de temps, parce qu’il n’y avait pas assez de contenu.

Donc, je n’ai pas une grosse formation théorique, je suis rentrée tard dans le milieu du dev, même si j’ai toujours pris les options de développement à la FAC.
Je n’avais jamais envisagé ce métier avant d’être avec ma licence d’anglais et de me dire que je ne voulais pas être prof d’anglais.

Depuis bientôt trois ans (cette discussion a eu lieu en décembre 2021), je suis en full-remote.
J’ai fait mon alternance et trois ans de CDI dans la même boite, puis je suis passée en full-remote dans une autre boite.
Et là, j’en suis à ma troisième entreprise, en full-remote aussi.

Donc, un parcours un peu atypique, je pense.
Du moins, beaucoup de critères intéressants, par rapport à un parcours classique.

Tu as présenté trois conférences ces dernières années ?

Les trois avec l’AFUP.

La première, c’était le premier AFUP Day Lyon en 2019, le jour de mes 30 ans, sur « au secours, je ne connais aucune autre femme qui fait du PHP ».
Depuis, heureusement, j’ai rencontré d’autres femmes qui font du PHP — et c’est la première fois dans ma boite actuelle que j’ai une autre collègue qui fait du PHP dans ma team !

La deuxième, c’était l’an dernier, pour l’édition anniversaire du Forum PHP. En remote. Sur « quoi de 9 Drupal ».
Donc, de la veille, un récap de tout ce qu’il s’est passé dans l’écosystème Drupal entre 7, 8 et 9 qui était à ce moment-là annoncé, mais pas encore sorti.

Et cette année, au Forum PHP toujours, mais cette fois en personne, sur « guide pratique de lutte contre le ‘syndrome de l’imposteur’ ».

J’avais déjà donné une miniprésentation sur la veille techno dans le cadre d’un festival à Grenoble, dans les locaux de mon entreprise, 5-6 personnes. C’était ma première conf, si on veut, dans un environnement familier.

Et, dans ma première boite, on avait des « réus de devs » toutes les deux semaines et comme j’étais un peu motrice là-dessus, j’en ai présenté beaucoup.
On avait la moitié de la boite à Paris ou en full-remote et l’autre moitié à Grenoble.
Donc, j’ai toujours fait des petites présentations en interne avec mes collègues, avec un meet ou OBS qui enregistrait. Je pense que ça m’a vachement aidé pour la première, même si quand tu as du public que tu ne connais pas en face de toi, dans un évènement un peu prestigieux avec plein de gens que tu ne connais que sur Twitter, ce n’est pas du tout la même expérience.

Qu’est-ce qui t’a poussé à donner tes premières conférences ? Comment tu t’es dit « je vais y aller » ? Comment as-tu eu l’idée de ton sujet ?

C’est une très bonne question, je ne sais pas si j’ai une réponse…
Il y a plusieurs trucs.

Premièrement, c’est un peu le moment où j’ai eu un peu le déclic sur le fait que, pour progresser, il fallait que j’aille en confs, que j’aille assister à des confs.
Mais aussi, que j’en donne. J’ai constaté que, dans les réus internes où on présentait un REX sur un projet ou une nouvelle bonne pratique qu’on demandait à tout le monde de suivre, ça nous forçait à creuser le sujet, à vérifier qu’on a compris soi-même.

Parmi mes ami-e-s qui sont dans le web aussi, Kitty Giraudel m’a beaucoup aidée au tout début quand j’étais encore en DUT, avait un blog très fourni sur SaaS et était pas mal suivi.
Iel avait bien insisté sur le fait qu’écrire des articles et donner des confs l’avait fait énormément progresser, en plus d’être un tremplin pour le boulot.

Et le côté où (l’AFUP Day Lyon) était nouveau, à côté (NdA: de Grenoble), petit, m’a permis de me projeter et de proposer quelque chose.
Donc, j’ai fait ce que font toutes les femmes dans des milieux où elles sont sous-représentées, j’ai proposé un sujet sur le fait que je suis une femme dans un milieu où il n’y a pas de femmes. (rires)

Je pense que c’est la première conf obligatoire « et si je parlais de la représentation des femmes ».
Au fond, quand tu n’as pas de role-model, tu as envie de faciliter le truc pour les suivantes et la transmission, c’est vraiment un truc qui m’anime, le fait de partager.
C’est un sujet vu et revu et au bout d’un moment j’ai fait le tour, mais j’avais l’impression que j’avais un angle un peu différent à apporter, un angle que je n’avais pas forcément vu ailleurs.

C’est un peu la même chose pour le syndrome de l’imposteur : il y a déjà des super confs d’Aurélie Vache (NdA: que j’ai interviewée une semaine plus tard) et de plein d’autres gens sur le sujet, j’en ai vu plein en anglais aussi.
Mais il y avait des trucs que j’avais envie de dire, un angle d’attaque qui me parlait, que je n’avais jamais vus dans d’autres présentations et je me suis dit que ça parlerait peut-être à d’autres gens. Et j’avais quelques années de recul et l’impression d’avoir quelque chose à apporter.

Mon premier sujet, ce n’était pas un sujet tech.
Et même encore maintenant, j’essaye d’alterner pour garder un équilibre : si je fais un sujet pas-tech une année, la prochaine conf que je présente c’est un sujet tech.
Je n’ai pas envie d’être tout le temps ramenée à « être une femme dans la tech » où être enfermée dans des sujets qui sont « autres ». Et ce même si j’ai une formation théorique un peu légère et j’ai beaucoup appris sur le tas, ce qui fait que, des fois, c’est un peu dur d’abstraire.

Pour l’instant, je n’ai pas trouvé de sujet pour le prochain Forum PHP, j’aimerais bien présenter un truc, mais je me suis dit que ça sera un truc technique et il faut que je trouve un angle intéressant que je n’ai pas pour l’instant.
J’ai envie que les gens ne me connaissent pas parce que « c’est une meuf qui nous parle de sa vie de meuf », j’ai envie d’être quelqu’un qui dit quelque chose d’intéressant.

Et partager un retour d’XP de comment toi, dans ton contexte, tu as fait quelque chose ou utilisé un outil ?

Ça, c’est intéressant quand tu as ceux qui ont choisi ces solutions-là qui viennent parler.
Mais dans ma position, quand j’arrive sur un projet (je viens d’arriver sur un projet qui a trois ans), je ne suis pas en position de faire ces choix de conception, donc je trouve que c’est un peu moins intéressant.

Je n’ai pas encore dans mon escarcelle ce genre de trucs.
J’ai des REX, mais beaucoup plus petits ; et ça marche bien pour des meetups Drupal, avec des gens qui connaissent déjà. Mais sur une conf de 20 ou 40 minutes, si je commence par expliquer tous les concepts Drupal et pourquoi j’ai fait ce choix plutôt qu’un autre, les gens s’en foutent.
Surtout qu’il n’y a pas beaucoup de drupalistes dans le public de l’AFUP — y’en a, mais ce n’est pas la majorité. On a des gros symfonistes bourrins qui rigolent grassement quand on leur dit « Drupal » et c’est plutôt ce public que j’aimerais convaincre de redonner un coup d’œil à Drupal, mais je n’ai pas encore trouvé l’angle — et ça va venir.

Comment prépares-tu un talk ? Est-ce que ta façon de travailler une conférence a évolué avec le temps et l’expérience ?

La première, j’avais bossé plus parce que je n’avais que 20 minutes.
Et c’est un conseil que je donne à mes collègues qui me disent « je vais prendre 20 minutes, comme ça j’aurais toujours des trucs à dire » : non, 20 minutes, il faut que tu sois super rodé, il faut que tu répètes bien. Si tu mets 5 minutes pour te présenter, tu as déjà perdu un quart de ton temps.

Celle sur Drupal 9, à distance, je l’ai travaillée un peu plus parce que c’était le Forum PHP.
Et en même temps, pas tant que ça, parce que je savais que j’avais 40 minutes, que s’il n’y avait pas le temps pour les questions tant pis.
Et je savais ce que j’avais à dire ; et il y avait tellement de trucs à dire que mon problème c’était de réussir à rester dans le temps et pas de me dire que si je parlais trop vite je n’aurais plus rien à dire.

Je fais tout mon plan, j’ai des dizaines de liens dans mes favoris, je m’imprègne de tout ça, j’infuse…
Et deux mois après je commence à faire mes slides. Et en les faisant en suivant mon plan, je me dis « la transition ça va pas ».
C’est quand je fais mes slides que j’affine le truc.

Et je répète… une fois, quoi. Voire pas. J’ai fini mes slides quatre minutes avant de passer, parce que j’étais en train de rajouter des trucs.
J’ai répété la conf deux fois en entier, c’est la première fois que je répétais autant.

Après, tout dépend de à quel point tu connais ton sujet.
Je ne pourrais pas faire ça avec un sujet sur lequel je ne suis pas sereine, c’est pour ça que je mets du temps à choisir mon sujet.

Donc, tu fais un plan très grossier au début, tu laisses murir et tu cherches des idées, puis tu fais tes slides et tu itères sur tes slides ?

Déjà, quand je choisis mon sujet, j’ai forcément un angle. Je sais de quoi j’ai envie de parler.
Je suis assez orientée « voilà le problème, puis proposer des solutions ».

Par exemple, quand j’ai commencé à vraiment creuser le sujet du syndrome de l’imposteur, heureusement que j’avais déjà quelques notions avant ; et je me suis rendu compte que c’est plus « expérience de l’imposteur ».
Et c’est aussi pour ça que je ne réponds pas aux interviews de l’AFUP, qui posent des questions sur le contenu : quand je reçois l’interview, mon contenu n’est pas figé…

J’ai un plan, j’ai une idée à peu près des durées de chaque section et chaque section n’est pas forcément censée faire la même durée, il faut que ça soit logique en termes d’évolution.
C’est au moment où j’écris mes slides que j’ai mes transitions et que je vois si les idées s’enchainent bien, pour ne pas être trop « catalogue » ou « scolaire ».

Et je ne fais pas un plan détaillé écrit, je fais directement les slides.
Je mets les titres, mes sous-titres, les schémas que je veux prendre, les images, je les répartis.
Je mets les grands points.
Et au fur et à mesure que je remplis le truc, je me dis « je vais inverser ces deux arguments parce que la transition est toute faite ».
Et c’est là que j’affine le truc.

Avant que ton sujet ne soit accepté, tu le proposes à un CFP, avec un titre et une description… Qui ne sont donc pas forcément très mûrs par rapport à ton sujet ?

Si, parce que si j’ai des idées de sujets, mais pas encore l’angle / l’approche, je ne soumets pas au CFP.

D’ailleurs, je n’ai soumis qu’à trois CFP et 100 % de succès.
Enfin, sans compter une proposition faite à deux, mais je savais que ça ne passerait pas, on avait tenté sans trop y compter.

Et quand je n’ai rien à dire… Je ne dis rien.
C’est aussi pour ça, je crois, que ça marche.
Et aussi pourquoi c’est dur pour moi de trouver un sujet technique, parce qu’il y a énormément de trucs intéressants, mais qu’il y a aussi des sujets qui vont être proposés par quinze autres personnes. Je sais qu’il faut que je tape sur les trucs où il n’y a que moi qui vais proposer.

Tu reçois le mail qui dit « ta proposition est acceptée ». Comment tu réagis ?

« Non ! Sérieux ? » (rires).

J’étais vachement surprise de voir « ah bon, ça les intéresse ».
Surtout la première fois, je n’avais jamais été dans un évènement AFUP avant. Sans l’expérience d’avoir été dans le public, c’était un peu stressant.

Et cette année pour le Forum PHP, j’étais plus excitée et stressée que l’an dernier, puisque c’était en remote l’an dernier — donc je savais que j’allais réussir à faire un truc un peu vivant en parlant devant mon écran, parce que j’ai l’habitude.
Alors que cette année, c’était le vrai truc ; et c’était mon premier Forum PHP, tout court, je n’y étais jamais allée en présentiel avant et je n’avais pas de recul sur comment ça se passait, même en spectatrice.

Comment s’est passé le « Jour J » pour toi ?

Cette année, j’étais vraiment contente de passer le jeudi, au lieu de devoir attendre le deuxième jour, ce qui aurait été plus stressant.
Là, j’avais eu le matin pour regarder les autres confs, voir comment ça se passait, tester mon matériel, finir mes slides entre midi et deux, puis passer.
Et après, tu finis la journée, tu profites.
Et le lendemain, j’étais relax et j’ai pu profiter de l’expérience. Alors que la dernière conf le vendredi à 17 h, c’est chaud si c’est ta première.

Je ne dors pas très bien de manière générale, mais là, j’étais sur mes slides jusqu’à 3 h du matin parce que ce n’était pas assez joli ou machin, uniformiser mes flèches pour qu’elles soient toutes pareil… Après, j’ai beaucoup brassé dans mon lit.
Du coup, le matin, j’étais éclatée, stressée, je me suis remise sur mes slides.
Après, il fallait descendre, mon jean avait craqué la veille, j’avais du en acheter un en urgence, qui n’était pas tout à fait sec du lavage et beaucoup trop grand donc j’étais hyper mal à l’aise…

J’ai raté le petit-déj, j’ai raté la keynote d’ouverture.
J’ai réussi à choper un café quand même. J’étais un peu fébrile.

Après, je sais que j’ai une certaine aisance pour parler, je sais que j’ai assez de vocabulaire et même si j’ai des tics de langage « du coup, heu, donc… », je savais qu’une fois lancée, ça irait.
C’est pourquoi j’ai mis des blagues au début.
Et au début, je ne peux pas me planter, je me présente et je ne me suis jamais trompée sur mon propre prénom.

À 14 h, j’avais rendez-vous dans la salle pour faire mon test micro. Et la conf était à 14 h 25.
Je laisse tout bien, je verrouille le PC et je fonce dans l’autre salle pour la présentation des speakeurs de l’après-midi. On est tous sur scène à attendre et se demander ce qu’on va faire.

Puis, je retourne dans ma salle, qui était pratiquement déjà pleine.
Et là, tu attends. Debout à côté de l’estrade.
Et tu vois la salle qui continue à se remplir.
J’ai fait des blagues avec l’orga, dont le walkietalkie ne marchait pas et qui n’arrivait pas à savoir quand lancer la conf. C’était super… Mais pouvoir rigoler avec quelqu’un de l’orga a dédramatisé.

Un truc qui m’a plombé, c’est que j’aurais dû prévoir une télécommande pour passer mes slides.
Je n’y ai pas pensé, ni à en parler aux orgas en avance.
J’avais le retour sur un écran en contrebas pour voir mes slides, mais mon écran à moi gênait un peu pour le voir.

Comment appréhendais-tu le fait d’être sur scène devant autant de personnes ? As-tu essayé de t’y préparer ? As-tu découvert une version du stress que tu ne connaissais pas ? Comment y as-tu réagi ?

J’ai fait pas mal de photo, en tant que modèle.
Donc j’ai l’habitude d’avoir des gens qui me regardent pendant que je suis toute seule devant, à me demander quoi faire de mes mains.
Ça m’a peut-être appris comment gérer mon corps quand je ne sais pas quoi faire.

Aussi, avec l’AFUP, il y a une personne de l’orga qui est venue me voir, qui m’a dit qu’elle s’occupait de moi, on a parlé pour l’intro, on s’est mis d’accord pour se retrouver à une heure donnée pour un test.
Parfait, tu n’as pas besoin de te poser la question puisque tout roule.

Et le repas des speakeurs la veille, c’est un moment convivial, j’étais à une table avec Damien S. et Frédéric B., on a bien rigolé et ils m’ont aussi fait du feedback intéressant après.

Tu as fait une conférence en présentiel, une à distance puis une en présentiel à nouveau. Tu disais que la conf à distance, tu avais presque trouvé ça facile en comparaison ?

Oui : tu connais ton matériel, tu connais ton environnement.
J’étais dans mon bureau, avec mon matos de tous les jours, avec lequel je fais des vidéoconfs tous les jours puisque je suis en full-remote ; je passe ma vie à faire ça, des calls avec mes collègues.
Donc je savais qu’en termes de son, ça allait à peu près, même sans super matériel, j’avais ce qu’il fallait pour que ça soit propre, j’avais de la lumière, je savais que ma caméra marchait… Tous ces trucs, sur ton propre matos, c’est plutôt cool.

J’étais chez moi, donc j’ai pu prendre mon temps, je n’avais pas besoin de traverser tout le centre de congrès pour aller aux toilettes avant mon talk.
J’avais mon thé, mes chats. Tu es dans un environnement que tu maitrises.

Et tu n’as pas une foule avec plein d’étrangers que tu ne connais pas sous le nez : ils sont virtuels, ces spectateurs.
J’avais déjà l’habitude de parler devant juste une caméra pour des gens que je connais, il suffisait pour moi d’imaginer que c’était pareil. Du coup, c’est moins stressant.
Qu’il y ait une ou deux-cents personnes derrière, tu n’en sais rien, ça ne change rien pour toi.
Aussi, il n’y a personne qui va t’interrompre, tu ne vas pas voir que les gens sont sur leur téléphone, il n’y a pas quelqu’un qui va faire une blague.
Et si toi tu fais une blague et qu’elle ne marche pas, tu ne l’entends pas et ça ne te déstabilise pas. Là, j’étais toute seule, je faisais ce que je voulais.

Je regardais le chat pour voir s’il y avait des réactions : j’ai l’habitude d’être réactive sur Slack ou autre, donc ça ne me perturbait pas ; ça dépend de l’habitude, je suppose.

Je n’étais pas fatiguée du transport, je n’avais pas de valise, je n’avais d’eau différente et les cheveux raplapla.
Et à Grenoble, l’eau du robinet est bonne alors qu’à Paris, tu es obligée de boire de l’eau minérale…
Tous ces petits trucs qui peuvent te perturber, t’apporter un certain inconfort.

Bien sûr, c’était super cool de le faire en vrai ; et beaucoup plus sympa.
Mais c’était un peu plus stressant aussi.
Peut-être que, maintenant que je l’ai fait une fois, ça me paraitra moins terrifiant la prochaine puisque j’aurai une base de comparaison…

La seconde conf que tu as fait en présentiel, une salle de 200 personnes, tu arrivais à percevoir ce public ?

La salle n’était pas très grande et assez compacte, donc je voyais bien qu’elle était pleine — et c’était déjà presque le cas quand j’y suis arrivée, donc j’avais eu le temps de me faire à l’idée puisque j’ai eu dix minutes avant de commencer.

C’était moins impressionnant que ce que je pensais en termes de quantité, les gens étaient à plat, ça faisait un groupe bien dense, mais pas non plus une salle à perte de vue.
J’arrivais à voir les gens, puisqu’il y avait de la lumière, contrairement à l’autre salle qui était plus sombre avec une variation de lumière et une vraie estrade éclairée.

J’avais mon groupe de cheerleaders au premier rang, ça c’était cool.
Et puis, le public de l’AFUP, je le connais maintenant et il est plutôt bienveillant.
Si j’avais fait ça dès le début, ça aurait été plus difficile, sans savoir à qui tu t’adresses.

Sur ma première conf, j’ai entendu dire qu’il y avait eu quelques commentaires pas top, mais je ne les ai pas entendus en direct.
Je sais que l’orga est au top, s’il y a un problème, ils vont te soutenir, il y a un code de conduite qui sera appliqué, tu es en confiance.

Après ta présentation, est-ce que des membres du public, ou peut-être de l’équipe d’organisation, t’ont fait des retours, des commentaires, des suggestions d’amélioration ?

Oui, beaucoup.
J’ai encore des messages sur Twitter et LinkedIn à qui je n’ai pas répondu.
Et des gens qui m’ont écrit après en me disant qu’ils n’ont pas réussi à me parler en vrai parce que j’étais toujours avec quelqu’un.

Le sujet (NdA: le syndrome de l’imposteur), je pense, a remué un truc très profond chez les gens. Et post-Covid et isolation, c’était super intéressant.
En discutant autour d’un café, deux personnes issues de reconversion sont venues me parler et un des deux était infirmier, a fait des études en psycho et est dev depuis moins d’un an, il m’a dit qu’il attendait de voir ce que j’allais dire et que ça correspondait à ce qu’il avait appris et étudié, que ça se voyait que j’avais fait mes recherches.
Encore maintenant, des gens sont venus me raconter leur expérience personnelle, comment ils le vivent, passent au-dessus, que c’était important pour eux d’entendre que ça a un nom.

Et d’autres m’ont parlé plus d’un point de vue de speakeur expérimenté, de coach.
Être validée par ces mecs-là, c’est inattendu, même si je savais que mon sujet allait parler aux gens, je n’avais aucune idée de l’ampleur du truc.
Et sur Joined.in, l’outil de feedback que l’AFUP utilise, j’ai eu pas mal de retours aussi, je crois que j’étais la conf avec le plus de messages.

Une petite succession de questions très courtes (tu peux élaborer si tu veux, bien sûr), j’essaye de collecter quelques points de données :

Quelle durée pour ton talk ?

20, 40.

Combien de slides ?

Deux par minute.

Quel logiciel utilises-tu pour tes slides ? Pourquoi ?

J’ai fait deux fois du Google Doc, par flemme parce que c’est quelque chose que je maitrise, en ligne et accessible depuis mes différents ordinateurs et je pouvais partager les accès si besoin.

Celle sur Drupal 9, j’ai utilisé un framework accessible HTML/CSS/JS (un exemple de talk fait récemment avec), c’est vraiment très cool et bien foutu, mais tu peux y passer du temps pour bien mettre les attributs et tout.

Sais-tu combien d’heures tu as passées à préparer ce talk (y compris le temps des répétitions) ?

J’en ai aucune idée, c’est vraiment un process qui s’étale dans le temps…

Je pars d’avant le CFP, quand j’ai une idée de sujet et l’angle ; et ensuite, jusqu’à la conf, il peut y avoir des périodes où il ne va rien se passer et d’autres où je vais rebosser dessus.

C’est aussi en fonction du temps que j’ai.
C’est un peu une pente douce au début et puis ça s’accélère au fur et à mesure que ça mature ; une fois que j’ai mon fil conducteur et mon plan, il s’agit juste de répartir les infos.

Combien de fois as-tu répété ? Toujours devant des gens ?

Une fois, deux fois. Devant des gens.

Combien de personnes (environ) dans le public ?

100 — 200.

Est-ce qu’une personne de l’orga t’a introduit avant le début de ton talk ? Si oui, as-tu eu ton mot à dire sur le contenu de cette introduction ?

Oui et oui.

Est-ce que ton plan / le déroulé de ton talk était plutôt « scolaire » (introduction, partie 1, partie 2, partie 3, conclusion), ou plutôt « raconter une histoire » ? Pourquoi ?

Un peu scolaire, puisque je suis littéraire, j’ai une structuration avec une intro, une conclusion, un fil conducteur, des parties avec des sections.
Avec des liens logiques fluides entre les sections, pas non plus thèse / antithèse / synthèse. Exemple : historique, définition et mise en perspective, puis concrètement des solutions pratiques.

Lors de quel « type d’évènement » as-tu présenté ce talk ? (Meetup local, conférence nationale, talk au boulot…)

Au boulot, confs locales et confs nationales.

Maintenant que tu as une (ou plus) expérience en tant que speakeur, qu’en as-tu tiré ? Est-ce que c’est un exercice que tu envisages de recommencer ? Pourquoi ?

Oui.
Parce que j’aime souffrir (rires). Je pense que je ne suis pas la seule.

Qu’est-ce que j’en ai tiré ?
Ben, que du positif, en fait. Déjà, parce que c’est dans ce genre d’exercice que je m’éclate, j’aime beaucoup la transmission, être avec des gens.
Et j’aime bien faire rire les gens, il y aura toujours une petite blague, obligée.
J’aime me sentir partie prenante, dans le groupe, aussi.
Et j’ai eu des super feedback, tu as vraiment l’impression d’avoir aidé les gens.

Sur un truc un peu plus pragmatique, il y a beaucoup de gens qui n’auraient jamais su qui j’étais si je n’avais pas fait ça.
Je n’ai pas le temps de faire de l’open source hyper avancé, je ne vais pas révolutionner le monde demain, je ne serai jamais experte comme d’autres peuvent l’être — et ce n’est pas grave. Mais j’apporte autre chose.
C’est plutôt cool, en termes de réseau, de rencontrer des femmes dans la tech, des gens différents, savoir que si j’ai une question je peux aller poker qui il faut, savoir que j’ai vu des sujets en conf, c’est hyper important pour progresser dans sa carrière et dans sa pratique du métier.

Et je suis du genre de personnalité où, si je ne me mets pas un challenge, je vais stagner.
Donc, pour moi, c’est une occasion de booster, de me dire « tu t’es engagée sur ce truc-là, donc tu vas creuser le sujet », que les gens n’aient pas perdu 40 minutes de leur vie.
C’est pour ça que je ne vais pas proposer beaucoup de trucs, parce que je sais que ça me prend du temps d’arriver à un niveau où j’estime que les gens ne se sont pas fait avoir en venant me voir.

Pour moi, il y a un mélange de substituts de théâtre, aussi.
Une collègue m’a dit « quand est-ce que fais du standup ? ».
Y’a un côté où c’est vachement sympa, comme exercice, c’est pas comme faire un article de blog, c’est vraiment une expérience qui ne ressemble à rien d’autre, le fait d’aller en conférence, de rencontrer les gens, de rigoler, de prendre un café avec ceux qui passent, c’est hyper important.

Donc, je pense que je vais recommencer.
Sur un truc technique. C’est mon challenge de moi à moi-même, j’ai besoin de savoir que je peux apporter quelque chose sur la technique et pas juste sur le fait d’être un être humain : y’a pas de challenge, ça correspond à mes études, à des choses que j’ai pratiquées et c’est pas là que j’ai envie que les gens me reconnaissent.

Tu disais au début « pour progresser, il faut que tu ailles en conf et que tu en donnes »… Au niveau professionnel, est-ce que tu as le sentiment que ça t’a apporté quelque chose ? Quoi ? Pourquoi ?

On me contacte sur LinkedIn pour me proposer des trucs, mais conf ou pas conf, je pense qu’à partir du moment où il y a marqué « développement », on te propose des trucs.

Et dans Drupal on n’est pas non plus des masses et c’est très dur de recruter des devs Drupal donc, de toute façon, je suis assez souvent sollicitée sur LinkedIn — d’autant que je suis aussi dans l’asso Drupal France, et je poste sur les réseaux sociaux avec mon nom.
Je sais que mon job actuel, ça a dû jouer parce que j’ai donné une conf sur Drupal et le RH qui m’a contacté m’a dit qu’il avait vu passer mon nom — soit lié à l’asso, soit à la conf.

Côté pro, ça m’a vraiment apporté, en interne, beaucoup de contacts aussi.
J’ai rencontré des personnes de la comm’, par exemple : j’ai passé trois jours au bureau de Levallois puisque j’étais à Paris pour la conf, j’ai pu faire ma présentation à des collègues qui sont à la comm’, au marketing, à des chefs de projets.
Et sur mon projet, comme j’avais dit que je ne serais pas là parce que je donnais une conf, les gars de l’infra étaient au courant, comme d’autres gens avec qui je n’ai pas l’occasion d’échanger sur un plan personnel parce qu’on est trop nombreux ; et ça a engagé des conversations.

Un dernier conseil que tu donnerais à une personne qui envisagerait de se lancer pour son tout premier talk ?

Venir te voir ? (rires)

Il faut bien se connaitre, il faut savoir comment on bosse.
Je bosse bien dans l’urgence, mais parce que j’ai pris mon temps avant. D’autres sont très carrés, finissent leurs slides longtemps en avance, présentent leur conf devant des gens plusieurs fois…

Mais pour quelqu’un dont c’est la première fois, plutôt s’y prendre bien en avance, bien répéter surtout s’il y a un timing à respecter.
Et commencer par présenter des trucs en interne, ça fait de l’entrainement.

Et j’encourage pas mal les meetups : c’est plus petit, tu peux tester des trucs, le public est plus petit aussi.

Tu as eu une mentore qui t’a aidé à préparer ton premier talk, j’ai d’ailleurs déjà interviewé Nastasia. Comment l’as-tu utilisée ? Qu’est-ce qu’elle t’a apporté ?

On avait un peu discuté pour faire connaissance.
Et c’était au moment où j’ai été accepté, donc très tôt dans le process pour moi.
Et on a fait une répétition générale un peu avant la conf.

Je n’avais pas trop besoin d’aide sur la structuration, sur le contenu, parce que j’en ai pas mal bouffé en littéraire et en FAC d’anglais…
Je n’avais pas des gros besoins ; j’avais besoin de quelqu’un qui allait me rassurer, un peu le côté role-model qu’elle a eu pour moi.
Savoir qu’elle, de son point de vue de conférencière expérimentée, voit que je n’allais pas faire un truc où les gens allaient complètement s’ennuyer ou que je disais des trucs qui étaient d’une évidence folle et qui n’allaient rien apporter.
Et aussi le timing, la partie orale et les astuces.

Savoir que quelqu’un m’attendait pour que je lui présente, ça m’a donné aussi un jalon plus tôt, pour essayer de faire un truc dans les temps, puis faire des modifs en fonction de ses retours.

Merci Marine !