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Interview : Guillaume Thirard

En novembre 2021, j’ai discuté avec Guillaume. Il avait alors donné trois conférences sur les années passées et a bien voulu répondre à mes questions. Voici les notes, dans un style très oral, que j’ai pris pendant cette discussion.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Guillaume Thirard, je suis en freelance depuis deux ans et je bosse pour Bedrock.

Avant, j’ai été freelance avant de passer mon BAC, je faisais déjà du dev.
J’ai fait des études parce que mes parents m’ont dit qu’il fallait.
Pendant mes études, on s’est mis avec certains de ma promotion en freelance aussi.

Après ma licence et après quelques mésaventures, j’ai trouvé un CDI.
Au bout de six mois, je suis passé Lead Dev, j’y suis resté quatre ans.

J’ai enchainé dans une autre boite en tant que Dev quelques mois, puis Expert Technique / Lead Dev.
Un des principaux trucs que j’ai fait dans cette entreprise c’était aider à faire grossir la boite. Et j’ai fait une conf là-dessus.

Tu as présenté deux ou trois conférences ces dernières années ?

J’en ai présenté une sur l’architecture du site des TCL (NdA: les Transports en Commun de Lyon), en Meetup à Lyon.

Une autre était sur la scalabilité d’un pôle technique : dire comment on a fait pour passer de huit quand je suis arrivé à cinquante quand je suis parti.
Je l’ai faite à l’AFUP Lyon aussi.

Et une troisième, sur le partage de connaissances en entreprise, que j’ai donnée à l’AFUP Day.

Qu’est-ce qui t’a poussé à donner tes premières conférences, pourquoi tu t’es dit, la toute première fois, « je vais aller parler de ça en public » ?

J’ai commencé les confs parce qu’un des gars avec qui je me suis lancé pendant mes études avait un frère à La Ferme du Web.
Et il y avait un évènement autour, plus ou moins l’équivalent de BlendWebMix il y a 12-13 ans.
J’ai commencé là, dans le public, il y a longtemps.

Ma première conf publique, je l’ai donnée il y 5 ans.
Ce sont des orgas de l’AFUP Lyon qui m’ont dit que j’avais des sujets, en discutant avec eux autour d’une bière, ils m’ont poussé à me lancer.

C’est un truc que j’avais l’habitude de faire, tout de même : dans ma précédente boite, on avait des confs en interne une fois par mois entre midi et deux, sur quarante minutes.
Le format coulait un peu parce que 40 minutes, tout le monde ne se lance pas, on était deux ou trois speakeurs seulement à tourner.
J’avais repris l’organisation, avec un format plus court et comme objectif d’avoir trois speakeurs tous les mois qui parlent moins longtemps.
Donc monter sur scène en dehors du boulot, ce n’était pas si différent.

Ton premier sujet, tu l’as eu en discutant avec les orgas. Et les sujets d’après, tu te souviens comment tu as eu les idées ?

Une fois que j’ai donné ma première conf, je savais que je voulais en redonner d’autres.
J’ai, exactement comme toi (NdA: j’en ai déjà parlé quelques fois en public et au boulot), un doc avec des confs que je veux soumettre, avec des brouillons d’idées de conférences, des trucs pas prêts.

Le partage de connaissances en entreprise, c’est un truc qui me tenait à cœur, c’est pour ça que j’organisais les talks dans mon ancienne boite. Il y a plein de manières différentes de le faire.
Et je me suis dit qu’une conf ça pouvait être cool. Donc j’ai proposé. Et ça a été accepté.

Sur la scalabilité d’une équipe, pareil, ça faisait partie de mon taf.
J’en ai parlé avec quelqu’un qui avait les mêmes problématiques que moi dans un contexte un peu différent et je me suis dit qu’il y avait probablement encore d’autres gens dans ce cas : faire grossir une équipe, c’est quelque chose d’assez commun dans les entreprises.

Toutes mes confs, c’est que des REX (NdA: des retours d’expériences).

Après la première fois où tu as directement discuté avec les orgas, tu es déjà passé par un processus de CFP ? Tu te souviens comment ça s’est passé ?

Pour l’AFUP Day, un CFP.
Pas mal de temps, six mois, en avance ; et le CFP dure un mois.
J’avais déjà mon sujet prêt, donc j’ai rempli le formulaire en faisant copier-coller et c’était fait.

J’ai aussi proposé au MixIT, des sujets différents.
Il y a carrément une plateforme où tu renseignes les sujets que tu veux donner, c’est hyper pratique, et tu dis « j’ai cette conf et cette conf que je veux proposer ».

Des confs, j’en ai soumis plein, au Forum PHP et aux AFUP Day, mais quand il y a 500 propositions et 30 acceptées, tu ne peux pas toujours être pris.
Il n’y a qu’une fois où j’avais uniquement l’idée et rien de prêt et donc j’ai bossé sur la description de la conf pour répondre au CFP.

MixIT, ils ont un champ de formulaire où tu peux donner plus d’infos. Tu l’as utilisé, ce champ ?

Oué, je l’avais utilisé.
Je crois que j’avais déjà donné la conf, donc j’avais dit que j’avais déjà donné des confs et j’avais envoyé des liens ou les slides parce que j’avais tout qui était prêt.
Et j’avais donné du contexte sur moi, parce que les orgas de MixIT, je ne les connais pas du tout.

Aussi, puisque j’avais tout de prêt (même s’il fallait adapter un peu), je me suis dit « autant essayer ».

Une fois que tu sais que tu vas donner un talk, comment est-ce que tu le prépares ? Est-ce que ta façon de travailler une conférence a évolué avec le temps et l’expérience ?

Je ne bosse pas comme je bossais il y a dix ans.
Mais je réfléchis toujours de la même manière.

Je bosse beaucoup par l’écrit.
Le premier truc que je vais faire c’est ouvrir un PowerPoint et mettre toutes les idées que j’ai ; ça peut être des phrases, des paragraphes, comme si c’était un Word, pas du tout mis en page. C’est une question pratique : ces slides que j’ai écrites là, je les garde toujours à la fin, ça me permet de virer les idées là quand je les ai mises dans de vrais slides.
Je ne fais pas évoluer ces slides d’idées en vrais slides.

Tu sais pas mal de temps en avance que tu vas faire une conf, et je me laisse peut-être quinze jours pour noter toutes les idées qui me passent par la tête.
Ça peut être à trois heures du matin, je me réveille, j’ai une idée, je vais l’écrire.
Donc il y a vraiment tout et n’importe quoi, des phrases qui n’ont pas de sens, c’est mon pense-bête, quoi.
Et je mets ces idées en vrac, il y a de la redondance : j’ai une idée, je ne regarde pas si elle est déjà dans le doc, je mets tout.

La seconde phase, c’est de faire le tri dans tout ça, je déduplique tout, j’essaye un peu d’ordonnancer pour que les idées qui ont le même objectif soient ensemble.
Ça me prend quelques heures, selon la quantité d’idées.

Derrière, ce doc, je le laisse complètement de côté et je fais mon plan de comment j’aimerais que ça se structure la conférence, pour qu’il y ait une suite logique.
Le plan, j’aime bien le penser par rapport à ce que j’ai envie de dire dans la conférence, et pas par rapport aux idées que j’ai.
Par exemple, pour le partage de connaissance, j’avais plein d’idées et je savais ce dont je voulais parler comme thèmes — par exemple, les entretiens (on entend rarement parler de partage de connaissances pendant les entretiens d’embauche) ou les code reviews, ça m’a fait mon plan.

Après, je vois mes idées et je les mets dans les différentes parties.

Une fois que j’ai mes idées dans les différentes parties, je fais de jolies slides.
Enfin, « jolies », pas forcément « jolies », mais lisibles.

Mais cette approche vient aussi parce que je faisais beaucoup de soutenances, où c’est très vague ce que tu dis, parce que ton auditoire ne connait pas du tout ce que tu fais, il n’est pas technique, donc tu ne peux pas rentrer dans les détails.
Et après, la phase de questions / réponses permet de creuser.
Donc j’aimais beaucoup raconter une histoire ; par exemple, les étapes d’un tunnel de commande.

Sur des confs courtes, par contre, c’est complètement YOLO et, en général, je ne prépare pas bien en avance.
Aussi parce que je sais de quoi je vais parler avant de soumettre la conf, donc les slides ne sont qu’un support.

Tu trouves que c’est plus facile une conférence courte qu’une conférence longue ?

Oui et non.
À préparer, c’est plus simple.
Tu ne peux pas rentrer dans le détail.

Mais ce qui est super chaud c’est le format 20 minutes : c’est très très rapide et, souvent, tu fais tes slides et tu écrèmes tout ce qui ne rentre pas.
Dire un truc cohérent, qui sert à quelque chose, en vingt minutes, c’est super chaud.

Tu répètes uniquement une fois que tu as les slides, ou tu commences à répéter avant ?

Je ne répète que quand j’ai les slides.
Mais je fais très peu de répétitions, parce que je n’ai pas de mémoire.
Si je répète et que j’écris un texte, de toute façon, je vais l’oublier, donc ça ne sert à rien.

Je répète uniquement pour connaitre mon timing.
Les confs que j’ai faites, si j’ai répété une fois c’est déjà bien.

Mais mon expérience où je faisais beaucoup de soutenances a beaucoup joué : tu fais 25 slides et tu as toujours un mec qui va te poser une question à la première slide et casser tout ton plan…
Donc, souvent, je faisais du full-impro : tu parles avec les gens et ça se passe bien.

Tu disais tout à l’heure que tu n’as jamais été stressé avant une conférence. Comment s’est passé le « Jour J » pour toi ?

Parler devant des gens que je ne connais pas, j’avais déjà dix ans d’expérience, même si ce n’est pas les mêmes publics.
Parler, je n’ai jamais eu de mal, je n’ai jamais été stressé par ça — je ne suis pas très assujetti au stress, donc je ne sais pas si ça compte vraiment.
Et puis, je le fais depuis longtemps, parler devant des gens que je ne connais pas, donc parler devant d’autres gens que je ne connais pas, ça ne change pas bien…

Après, les grosses confs que j’ai données, c’était en remote.
Les plus gros publics que j’ai eus en présentiel, c’était une cinquantaine de personnes. Je pense qu’il y a aussi ça qui joue.
Et les talks que j’ai donné en meetups, je connaissais les gens qui étaient dans le public, donc c’est un peu différent.

Tu as donné une conférence à distance, quel a été, pour toi, l’élément le plus difficile ? Et le plus facile ?

Le plus facile, c’est simple : tu n’as pas la scène.
Enfin, je ne sais pas si c’est plus facile, mais tu ne vois pas 300 personnes en arrivant dans la salle.
J’imagine que c’est plus dur que de regarder ta webcam : tu fais des meetings avec ta webcam toute la journée, déjà.

Par contre, ne pas avoir de réponse du public, c’est horrible, j’ai détesté.
C’est un truc que je n’avais jamais fait, que je n’ai pas du tout aimé : tu n’as pas de feedback en fait.
Et moi qui suis pas mal dans l’impro, les réponses / réactions des gens, c’est cool, ça me permet d’ajuster mon discours.

Et puis, je participe à des conférences depuis longtemps parce que j’aime bien parler avec des gens.
Même avec WorkAdventure et ces trucs-là, c’est pas la même chose qu’en vrai.

Je pense qu’à distance, je ne le referai pas.
Après, si t’as pas le choix, t’as pas le choix.
D’ailleurs, l’AFUP Day où j’ai parlé, ça devait être en présentiel et ça s’est transformé en distanciel quelques semaines avant, pendant le premier ou deuxième confinement.

Bref, je préfère en vrai, même si, j’imagine, tu peux avoir un peu plus d’appréhension parce que tu vas voir les gens.

Après ta présentation, est-ce que des membres du public, ou peut-être de l’équipe d’organisation, t’ont fait des retours, des commentaires, des suggestions d’amélioration ?

Une des confs que j’ai faites en meetup à Lyon, il y avait des questionnaires papier pour le public, pour permettre de noter et donner du feedback, un orga me les avait envoyé ensuite.
C’était grave cool, ça permet de voir ce qui allait — ou pas.

Sinon, non, je pense que j’ai eu très peu de retours.
Quasiment tout le temps, il y a des questions après les confs, mais des retours, non.

Mais les papiers c’était cool.
Ça a été refait en meetup de l’AFUP Lyon récemment, d’ailleurs.

Une petite succession de questions très courtes, j’essaye de collecter quelques points de données :

Quelle durée pour ton talk ?

5, 20, 40 minutes.

Combien de slides par minute ?

Ça dépend des confs.

J’en ai fait avec que des schémas et peu de texte, donc beaucoup de temps d’explications par slide et peu de slides.
J’ai fait des confs en interne dans mon ancienne boite, 40 minutes, avec un GIF et c’est tout.

J’aime bien ne pas faire trop de slides.
L’inconvénient, c’est que je n’ai pas de support à distribuer pour les gens qui n’étaient pas là.

Quel logiciel utilises-tu pour tes slides ? Pourquoi ?

PowerPoint, parce qu’on utilisait ça dans ma boite donc pas le choix.
Ou Google Slides.
J’ai aussi fait du reveal.js, du Keynote…

Le premier truc qui me passe sous la main, quoi.

Sais-tu combien d’heures tu as passées à préparer ce talk (y compris le temps des répétitions) ?

Les confs de 20 minutes que j’ai le moins préparées, j’y ai passé moins de 20 minutes.
D’autres, peut-être 8 ou 9 heures.
Mais c’est dur à dire : souvent, c’est des sujets que j’ai préparés indirectement parce que c’est mon quotidien, des REX.

Dernièrement, j’ai fait un atelier d’une journée autour du DDD : 3 h en réu dont 1/2h de présentation théorique et le reste c’était des exercices, j’ai passé trois jours à préparer.

Combien de fois as-tu répété ? Toujours devant des gens ?

Très peu.

Est-ce qu’une personne de l’orga t’a introduit avant le début de ton talk ? Si oui, as-tu eu ton mot à dire sur le contenu de cette introduction ?

Oui et oui.

Est-ce que ton plan / le déroulé de ton talk était plutôt « scolaire » (introduction, partie 1, partie 2, partie 3, conclusion), ou plutôt « raconter une histoire » ? Pourquoi ?

Pas trop scolaire.
Raconter une histoire, ça marche mieux.

Après ta première conf, tu voulais en redonner, c’était un peu un objectif perso. Maintenant que tu as quelques expériences de plus en tant que speakeur, qu’en as-tu tiré ? Est-ce que c’est un exercice que tu envisages de continuer à recommencer ? Pourquoi ?

Encore recommencer, oui.

Après, c’est chaud, pour plusieurs raisons.
Ça va forcément prendre du temps.
Même si je dis que je ne mets pas longtemps à préparer une conf, en réalité, comme tu y penses, c’est du temps qui n’est pas calculable, mais ça te trotte dans la tête tout le temps et je l’aurai en background en permanence.
Donc c’est un truc qui donne une charge — parce que je fonctionne comme ça, aussi.
Je fonctionne un peu à la pression : je vais me mettre des deadlines volontairement peu tenables pour me dire « maintenant c’est maintenant ».

Je suis sûr que je vais en redonner, c’est évident, j’aime cet exercice.
Tu sais que pour la plupart des gens, ça va causer du stress. Mais comme j’aime ça, c’est le kiff.

Et au niveau professionnel, est-ce que tu as le sentiment que ça t’a apporté quelque chose ? Quoi ? Pourquoi ?

Ah ben oué.

Déjà, ça te libère vachement.
Tu as forcément des gens qui vont venir te voir parce qu’ils ont vu ta conf, ou qui vont te poser des questions.
Ça t’ouvre pas mal de trucs.

Ma copine en a donné dans notre ancienne boite quand on bossait ensemble.
Au départ, elle appréhendait de ouf. Et maintenant, elle n’a plus du tout peur.
Déjà, tu te rends compte que le public est bienveillant, ils ne veulent pas ta mort.

Parler en public, c’est un exercice qui peut être difficile.
Y’a des mecs qui sont ultra à l’aise à l’oral parce qu’ils ont fait ça 2000 fois avant.
Mais oué, ça ne peut être que positif.

Et, puisque tu as bossé en tant que freelance, est-ce qu’avoir donné des confs en public, ça t’aide à avoir des contacts, des opportunités de missions, des trucs comme ça ?

Oui, carrément.

Quand je suis arrivé en entretien chez Bedrock, je connaissais déjà les Leads, ils me connaissaient aussi, ils savaient que j’avais donné des confs sur des sujets et sur des REX plus ou moins techniques.
Évidemment, ça ouvre des portes.

Dans l’ESN qui me porte en ce moment, j’ai des sujets que j’ai donnés en interne, tout à distance avec des antennes partout en France.
Et j’ai des gens d’autres antennes qui sont venus me voir après pour qu’on parle un peu plus de ce que j’avais présenté.

Ça peut pas te fermer de portes — enfin, sauf si tu dis n’imp, mais quand tu en es à vouloir donner une conf, c’est sur un sujet que tu maitrises un peu normalement.

Puisque tu as été d’orga d’évènements en interne, tu as vu l’autre côté de la barrière… Qu’aimerais-tu dire à un nouveau ou une nouvelle speakeur pour qui l’évènement que tu organises est le premier ?

« Pas de stress ».
C’est facile à dire…

Le truc que je dis le plus souvent, c’est « prends le temps de respirer ».
Les gens stressés parlent très vite, donc ne respirent pas ; et ne pas respirer, c’est mal.
Et parler super vite, ce n’est pas agréable pour tout le monde.
Donc, prendre le temps.

Un dernier conseil que tu donnerais à une personne qui envisagerait de se lancer pour son tout premier talk ?

C’est mon caractère, je suis très à l’aise à l’oral, donc les premiers conseils type « ne stresse pas » ou « va doucement », ça me concernait moins.
Et comme j’avais beaucoup assisté à des conférences, je sais que c’est bienveillant.

Je pense que le truc, c’est « n’ayez pas peur » et « lancez-vous ».

Merci beaucoup :-)